Des agrégés devant la Commission d’éthique et de déontologie du Cames : Les dessous de l’affaire

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Depuis plusieurs  semaines, le monde universitaire communautaire vit une effarante affaire, dans laquelle sont cités d’éminents juristes et politistes de trois (3)  pays membres du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (CAMES), institution panafricaine dont la mission est, entre autres, de coordonner les systèmes d’Enseignement Supérieur et de la Recherche afin d’harmoniser les programmes et les niveaux de recrutement dans les différents établissements des pays membres. Convoqués à comparaître devant sa Commission Éthique et de Déontologie (CED)  la mi-avril dernier, les professeurs Dodzi K. KOKOROKO, Agrégé des facultés de droit et Président de l’Université de Lomé,  Ibrahim David SALAMI, Agrégé des facultés de droit, enseignant à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) du Bénin,  Adama KPODAR, Agrégé des facultés de droit, Vice-Président de l’Université de Kara, enseignant à l’UAC du Bénin,  Dandi GNAMOU, Agrégée des facultés de droit, enseignant elle aussi à l’UAC  et  Francisco DJEDJRO MELEDJE, Agrégé des facultés de droit, Vice-Président de l’Université Félix Houphouet Boigny d’Abidjan, ont choisi de quitter la session qui leur devrait être consacrée ;  leurs avocats dénonçant un « traquenard inacceptable et une violation scandaleuse du droit de la défense ».  Que se passe-t-il dans ce haut lieu de l’enseignement du continent et quels sont les dessous de cette affaire ?

Tout part de la convocation adressée par la CED aux enseignants cités plus haut à comparaître devant elle les 16, 17 et 18 avril derniers  pour différents affaires les concernant. Très vite, l’information se retrouve  dans la presse avec un emballement médiatique. Mais les sessions prévues pour connaître des dossiers tourneront court ; les mis en cause évoquant plusieurs irrégularités dans la procédure.

Violation du principe du contradictoire et du droit à un procès équitable :

Selon les textes du CAMES, la CED est un organe qui fait office de conseil de discipline et dont le rôle principal est d’examiner les faits portés devant elle par une instance plaignante ou par un plaignant, de qualifier ces faits sur la base du Code d’Éthique et de Déontologie (Code), et enfin de renvoyer les personnes mises en cause devant le Conseil des Ministres du CAMES, lequel demeure le seul organe de l’institution habilité à prendre des sanctions applicables aux faits qualifiés. La comparution devant une telle commission qui s’assimile à une juridiction d’instruction, advient régulièrement selon une procédure explicitée dans plusieurs  articles  du Code, notamment les 28,29 et 30.

Cette procédure prévoit notamment dans sa phase initiale le dépôt d’une plainte auprès du Secrétariat Général (SG)  du CAMES. La plainte donne lieu à l’ouverture d’une enquête menée par le SG. Dans le cas où l’enquête s’avère concluante, ce dernier a l’obligation de désigner un rapporteur dont le rôle est de produire un rapport à transmettre avec les pièces du dossier, en toute confidentialité, à la Commission qui devra se réunir pour statuer (Article 29). Par ailleurs, l’article 30 du Code précise que « Toute personne qui fait l’objet d’une enquête en vue de l’application de sanctions prévues par le présent code, est informée de la procédure ouverte à son encontre. Elle peut prendre connaissance des pièces de son dossier. Elle est, à cette occasion, informée de son droit de se faire assister d’un conseil de son choix et de fournir, dans un délai qui ne saurait être inférieur à un mois, ses explications ainsi que les éléments nécessaires pour sa défense en produisant un mémoire en défense ». Il s’agit ici d’un principe fondamental du droit processuel qui garantit la tenue d’un procès équitable à travers le respect du contradictoire, l’égalité des armes et la reconnaissance au requis du droit à la défense.

Or dans le cas de la session de la CED des 16-18 avril 2019, contre toute logique juridique, à aucun des cinq (05) mis en cause, le SG du CAMES, Prof. Bertrand MBATCHI, n’a communiqué les pièces du dossier, documents pourtant indispensables à la préparation de leurs arguments et mémoires en défense. Malgré les diverses sollicitations et relances de la part des mis en cause, aucune suite favorable n’a été donnée par le SG du CAMES. Le cas du professeur SALAMI est d’une illustration  déconcertante. En effet,  lorsqu’enfin le SG Bertrand MBATCHI a daigné répondre à son dernier courrier portant réclamation des pièces du dossier, ce fut pour lui dire, en complète violation de l’article 30 du Code d’Éthique et de Déontologie du CAMES, qu’il devait envisager aussi que le plaignant produise ses éléments de preuve le jour même de l’audience. Le traitement réservé à tous les autres mis en cause fut le même : pas de transmission des motifs de fond de la convocation, pas de communication des pièces du

dossier, pas de communication de la plainte, mais exigence de préparer une défense.

Une procédure d’audition basée sur un règlement intérieur inconnu des mis en cause

Outre cette irrégularité commise par celui-là même qui est censé faire respecter les textes du CAMES en matière disciplinaire, il y a la question du règlement intérieur ( lire par ailleurs) . Il s’agit en substance du document dont les dispositions devraient orienter toute l’audition. Le problème, c’est que le SG CAMES ne l’a jamais transmis aux mis en cause

jusqu’à une heure tardive (21h30) de la veille de la session. Ce fut d’ailleurs un évènement fortuit puisque n’eût été le courrier que lui adressa la veille même de la session, c’est-àdire le 15 avril 2019, la professeure Dandi GNAMOU où cette dernière sollicitait le chronogramme de la session, le prof. Bertrand MBATCHI n’aurait sans doute pas transmis ce règlement intérieur aux mis en cause qui se seraient retrouvés surpris le lendemain par une procédure processuelle qui leur serait totalement inconnue, à eux-mêmes et à leurs conseils aussi. Comment un administrateur, d’une institution aussi prestigieuse peut-il contrevenir de manière si flagrante aux textes de l’institution qu’il dirige lui-même ? M. Bertrand MBATCHI ne savait-il pas que les mis en cause et leurs avocats n’avaient pas connaissance de ce document ? Pis, ignorait-il que ce règlement intérieur n’avait pas fait l’objet de publication officielle, et qu’en droit administratif généralement pour qu’un texte rentre en vigueur, en plus de sa promulgation, il doit être publié ? Toutes choses qui font bondir Me Eric Sossa, l’un des avocats des mis en cause, qui dénonce un «  guet-apens digne d’un vulgaire acteur de rodéos brésiliens ».  Mais ce règlement intérieur non publié et brandi seulement la veille de la session par le Prof. MBATCHI, présente un autre problème de fond qui est de loin plus grave : il contient des dispositions qui violent la lettre et l’esprit du Code d’Éthique et de Déontologie du CAMES, code ayant une valeur normative supérieure au règlement intérieur.

En effet, le règlement intérieur de la CED adopté le 21 janvier 2019 par le SG du CAMES pose un problème rédhibitoire qui ne peut être résolu que par son invalidation et son réexamen par l’institution avant toute application. Il comporte plusieurs violations des dispositions du Code d’Éthique et de Déontologie. Par exemple, l’article 19 du règlement intérieur dispose que « Lors de l’audition d’une personne mise en cause, une synthèse des éléments portés à la connaissance de la Commission par l’auteur de la réclamation et par les témoins lui est présentée. Celle-ci dispose si nécessaire d’un délai maximal d’une semaine pour répondre aux éléments nouveaux ». Or l’article 30 du Code d’Éthique et de Déontologie qui est une norme de valeur supérieure, dispose d’un délai minimal d’un mois pour la production et la présentation d’un mémoire de défense.

La contradiction est si frappante que l’on est en droit de se demander qui a rédigé ce règlement intérieur et dans quelles conditions il a été adopté. Suffisant en tout cas pour les avocats des mis en cause pour estimer que cet article a été  sans doute inséré dans ce règlement afin de valider la tentative subversive de la CED et du Prof. Bertrand MBATCHI d’imposer ce délai non raisonnable à toute personne mise en cause et qui découvre des éléments de preuves rassemblés contre elle durant l’audition, la prédisposant ainsi à une défense déjà difficile à élaborer. Surtout lorsqu’on sait par exemple que ce règlement a été adopté par le seul SG du CAMES puisqu’il n’y a que sa seule signature, au motif qu’il aurait signé en lieu et place des autres membres.

Une affaire de ….femme

La collusion entre le SG du CAMES et le principal plaignant, M. Victor TOPANOU, est notoire et donc connue de tous. Ce qui faisait d’ailleurs dire à beaucoup que celuici devrait se révoquer dans ce dossier. Les cinq (05) professeurs mis en cause avaient  ainsi sollicité la récusation de M.  MBATCHI comme partie prenante, à quelque titre que ce soit, à la session de la CED. Car il est  important de rappeler par ailleurs que M. MBATCHI avait été cité comme témoin à charge par M. Victor TOPANOU dans un contentieux judiciaire l’opposant au prof. KOKOROKO devant le Tribunal de première instance de Cotonou. Alors que les cinq professeurs mis en cause étaient persuadés que leur requête favorablement accueillie sera exécutée, ils se retrouvent à l’audition avec M. MBATCHI comme membre siégeant. Cette autre surprise représente une irrégularité  de plus, vu que le Président de la CED avait annoncé que le SG MBATCHI se serait déporté. Il s’agit là encore d’un autre vice de fond, irréparable au regard de la partialité manifeste du SG du CAMES.

Outre cette forte proximité, FOCUS INFOS découvre que derrière cette procédure, se cacherait en réalité une affaire de femmes….En effet, selon nos informations, M. TOPANOU le fameux plaignant qui s’épanche depuis plusieurs mois dans la presse togolaise et béninoise à travers une cabale médiatique contre ses  collègues, est en réalité dans un combat personnel empreint d’envie et de jalousie. D’abord et contrairement aux dits collègues, de n’essuyer que des échecs lors de  ses tentatives au concours d’agrégation. Ensuite et surtout, de  ne pas supporter le fait que la professeure Dandi GNAMOU, qui se trouve être  son ex-femme et également citée dans le dossier, ait  été lauréate avec succès à ce concours. M. Victor TOPANOU aurait alors développé une haine viscérale contre les professeurs SALAMI, KOKOROKO et KPODAR qu’il considère à tort comme les véritables artisans du succès de sa femme. Il n’en faut pas plus  pour imaginer toutes les pulsions fictives et passionnelles que le sieur TOPANOU pourrait nourrir à l’endroit des nouveaux amis de son ex-femme agrégée. Une chose est certaine : le plaignant n’est pas un inconnu des mis en cause.  Il gagnerait peut-être à œuvrer pour une résolution extraprofessionnelle de ses problèmes conjugaux en cessant de vouer aux gémonies ces éminents  et compétents juristes qui font aujourd’hui la fierté de leurs pays et des institutions où ils interviennent. S’il est vrai, comme l’écrivait le même Victor TOPANOU, que « nul ne doit transformer les programmes du Cames en instruments de règlement de compte ni pour faire la promotion des plus médiocres d’entre nous au détriment des meilleurs », il est tout autant vrai que la meilleure solution à ce contentieux devrait résider dans  un retour de la CED aux textes et une meilleure délimitation des compétences du SG.