Au Nigeria, Muhammadu Buhari réélu président au terme d’un long processus électoral

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Après avoir été reportée et marquée par des problèmes logistiques, l’élection du pays le plus peuplé d’Afrique s’est terminée dans la nuit.

Jusqu’au bout, le suspense est demeuré. Après quatre jours d’attente, la Commission électorale nationale indépendante du Nigeria a annoncé, dans la nuit de mardi 26 à mercredi 27 février, le nom du vainqueur. Le chef de l’Etat sortant, Muhammadu Buhari, du Congrès des progressistes (APC), a été réélu pour un deuxième mandat de quatre ans à la tête du pays le plus peuplé d’Afrique.

A 76 ans, ce général à la retraite, qui a participé à un des nombreux coups d’Etat qu’a connus le Nigeria jusque dans les années 1990, a récolté 56 % des voix, contre 41 % pour son principal adversaire, Atiku Abubakar. Ce candidat du Parti populaire démocratique, ancien vice-président de 72 ans et homme d’affaires influent était, lui, réputé corrompu. Cette nette victoire, qui correspond à une avance de près de 4 millions de voix, constitue une surprise, alors que les experts anticipaient un duel très serré avec le candidat de l’opposition, qui a déclaré se pourvoir en justice.

Le vote a été marqué par un faible taux de participation (d’environ 40 %), en baisse par rapport au scrutin présidentiel de 2015. La démobilisation est notamment due au report d’une semaine de l’élection qui a découragé plusieurs millions d’électeurs ayant parcouru en vain des centaines de kilomètres pour voter dans leur localité d’origine le 16 février et qui se sont abstenus de refaire le chemin pour le 23. Mais la défection est aussi due à un scrutin peu enthousiasmant : la sphère politique peu renouvelée ne séduit plus un électorat de plus en plus jeune, avide de changement.

« Victoire de la démocratie »
A l’annonce des résultats, quelques centaines de personnes se sont rassemblées au quartier général de l’APC, à Abuja, la capitale fédérale, pour écouter le vainqueur. « Le nouveau gouvernement va intensifier ses efforts dans la sécurité, la restructuration de l’économie et le combat contre la corruption », a promis M. Buhari en célébrant « une autre victoire de la démocratie nigériane ». En raison de l’heure tardive de l’annonce de résultats, il y a eu peu de ferveur ou de célébration populaire à travers le pays. Pas même à Kano, dans le nord, un des fiefs du gagnant, où ses partisans étaient sortis en masse en 2015 pour célébrer sa première victoire.

L’opposition, qui dénonçait dès lundi une « manipulation » et des fraudes massives du parti au pouvoir, a demandé dans la soirée de mardi l’interruption de la proclamation des résultats. Les violences liées à ce scrutin ont causé la mort de 47 personnes depuis le matin du vote et de 230 au total depuis le début du process, selon le cabinet de surveillance SBM Intelligence.

Contrairement à l’élection présidentielle de 2015, qui marquait alors la première transition démocratique de cette ancienne dictature militaire, le vote ne s’est pas joué sur des critères purement religieux, puisque les deux principaux candidats sont des musulmans issus du nord. Dans ce pays où le vote reste ethnique et religieux, la victoire du sortant, un ex-général à la santé fragile, s’est beaucoup jouée dans le nord, la région la plus peuplée du Nigeria. Dans l’Etat de Kano, son bastion, fort de 5,5 millions d’électeurs, l’APC de Buhari a ainsi engrangé près de 1,5 million de voix.

« Le nord est une zone sahélienne pauvre et rurale, où le niveau d’éducation est beaucoup plus faible et où le taux de natalité explose. Avec un système d’organisation traditionnelle très ancré, le phénomène d’embrigadement y est plus facile. Les gens votent pour l’homme fort, peu importe le bilan, et dans cette région, c’est Muhammadu Buhari. Atiku Abubakar a beau être musulman, les élites du nord restent attachées à leur candidat », analyse le chercheur Benjamin Augé, de l’Institut français des relations
Le monde