La vertu « aphrodisiaque » de la chicha séduit de plus en plus les jeunes

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Jeune femme fumant la chicha

Appelée narguilé, hookah ou chicha, la pipe à eau a pris différents noms selon les contrées. Si autrefois la chicha était principalement utilisée dans le monde arabe surtout au Moyen-Orient, elle se retrouve désormais dans le monde entier. Et au fur que les années passent, les raisons de sa consommation changent.

La chicha est une pipe à eau qui permet de fumer un mélange de tabac et de mélasse ou de pierres à chicha. Son principe de fonctionnement est extrêmement simple. Du tabac contenu dans un bol appelé “foyer” est chauffé à l’aide de cubes de charbon. La fumée produite par cette combustion traverse le vase rempli d’eau afin d’être adoucie et rafraichie. Cette fumée est alors aspirée par le tuyau afin de profiter de toutes les saveurs et les arômes du tabac ou du goût à chicha. Allant de la pomme, au menthe ou raisin, tous les goûts et arômes de fruits sont permis et ceci plait à toutes sortes de fumeurs.

Aphrodisiaque

A l’origine, la prise de chicha est une occasion de se retrouver entre amis, de se détendre et d’échanger. « Quand on fume la chicha, on prend son temps! La brume créée par le narguilé ou le bruit des bulles d’air contribuent à une atmosphère conviviale », décrit Dénis, fonctionnaire au CHU de Kara.
Ce n’est pas pour rien qu’on le retrouvait la plupart du temps dans les lieux publics à savoir les bars, lors des fêtes ou à des soirées organisées où les jeunes se retrouvent entre amis pour manger et boire un verre. « Avec ses saveurs fruitées et douces, la fumée de la chicha ne dérange pas celui qui la prend ni l’entourage. Apparemment, elle n’est pas nocive à la santé. Ça nous permet plutôt de déstresser après les cours », justifie un groupe de jeunes élèves de l’école la Source.

Aujourd’hui, en plus de son caractère convivial, la chicha est considérée comme un super aphrodisiaque. C’est ce qui a entrainé une augmentation du nombre de fumeurs du narguilé au détriment des fumeurs de la cigarette.
Avoir le dispositif de chicha chez soi de nos jours est devenu un must pour les jeunes qui se disent branchés. « Ce n’est plus une affaire de riche, ce truc. Tout le monde devrait l’avoir à mon avis car c’est un catalyseur qui permet d’augmenter l’adrénaline au cours d’une partie de jambes en l’air», affirme Denis.

L’introduction de la chicha dans les fêtes et bars n’est pas anodine car qui parle de boisson et festivité fait allusion aussi au sexe.
Pour assouvir leur libido, les jeunes utilisent davantage certains parfums : il s’agit du tabac à chicha comme le « Hawaii » ou encore « le Mi Amor » qui arrivent en tête, auxquels parfois on ajoute du petit cola, le clou de girofle….Ce parfum dont le nom exprime l’amour fait croire à un aphrodisiaque.

Nocive pour la santé

Contrairement aux idées reçues, fumer la chicha peut s’avérer tout aussi dangereux que fumer des cigarettes. Une séance de narguilé expose généralement les fumeurs à une quantité de fumée plus grande que pour les fumeurs de cigarette. En effet, selon une étude américaine de 2016, le fumeur de chicha inhale 125 fois plus de fumée, 25 fois plus de goudron, 2,5 fois plus de nicotine et 10 fois plus de monoxyde de carbone que lorsqu’il fume une cigarette.

Le fumeur consommerait donc une cigarette en 5 à 7 minutes, inhalant un volume de fumée compris entre 0,5 et 0,6 litre de fumée. En comparaison, un fumeur de narguilé fume pendant 20 à 70 minutes et inhale entre 50 et 200 bouffées de 0,05 à 0,25 litre chacune. Une séance de narguilé expose en revanche le fumeur à un volume de fumée correspondant à plus de 100 cigarettes par session.

La nicotine étant réduite dans la fumée de tabanel, amène les fumeurs dépendants au tabagisme à inhaler plus de fumée pour soulager leur manque. Ceci les expose à une quantité de produits chimiques cancérigénes et de gaz dangereux élevée, d’autant qu’une partie de la nicotine est absorbée par l’eau. De plus, d’après les résultats d’une étude faite par plusieurs professeurs d’universités, « l’obésité, le syndrome métabolique, le diabète ou encore la dyslipidémie sont des maladies surtout retrouvées chez les fumeurs de chicha ».

Sur le plan sexuel, la prise de chicha est presque autant nocive voire plus que la cigarette, surtout en ce qui concerne la sexualité humaine. Selon Mr Kpônou Tobossi, directeur de l’Agence nouvelle formule sanitaire (NFS) spécialisée dans les soins et recherches en naturothérapie, les mélanges de plantes et de fruits naturels (petit cola, gingembre, clou de girofle, citron ou orange…sans tabac pourraient être un vrai aphrodisiaque recommandable. Mais qui parle de chicha parle de combustion faisant dégager la fumée et donc produisant le monoxyde de carbone. « Cet élément empêche une bonne irrigation sanguine qui est nécessaire pour l’excitation sexuelle des hommes et des femmes », nous fait savoir Mr Tobossi.

Chez la femme, la nicotine et le monoxyde de carbone contenus dans la préparation du chicha ont des effets néfastes sur la lubrification vaginale. Ce phénomène a lieu lorsque le flux sanguin de la femme augmente lors de la phase d’excitation provoquant des sécheresses vaginales.
L’homme n’est pas épargné par les effets néfastes de la chicha sur son érection. En effet, les carbones contenus dans la fumée de ce produit détériorent les artères, provoquant ainsi petit à petit une obstruction des artères péniennes indispensables à la bonne qualité de l’érection.

L’usage de narguilé peut diminuer aussi la fertilité des fumeurs et fumeuses et engendrer des complications obstétricales. Il a en outre, un effet anti-oestrogène qui a pour conséquence une menopause précoce de plusieurs années.

Une interdiction en lieu public

Pour limiter l’usage des drogues sur le territoire togolais, le gouvernement a pris certaines mesures. En effet, par décret n°2012- 046 portant interdiction de fumer dans les lieux publics et par la loi N°2010- 017 relative à la production, à la commercialisation, à la consommation des cigarettes et autres produits du tabac, l’Etat a interdit formellement de fumer dans tous les lieux publics.

Ces deux dispositions entrées en vigueur depuis 9 ans disposent que « tout contrevenant sera puni, conformément à l’article 865 du nouveau Code Pénal, d’une peine d’emprisonnement de six (06) mois à un (01) an et d’une amende d’un million (1.000.000) à cinq millions (5.000.000) de francs CFA ou de l’une de ces deux peines ».

Cette interdiction bien que toujours en vigueur peine véritablement à être mise en œuvre. En effet, en 2016, une enquête menée par l’Alliance Nationale des Consommateurs et de l’Environnement (ANCE) dans 398 lieux publics suivis et évalués. 87 sur 117 hôtels, 109 sur 124 restaurants et 38 sur 157 bars ont respecté l’interdiction de fumer dans les lieux publics.

Ces résultats montrent que l’interdiction est respectée dans les hôtels. Ce qui n’est pas le cas pour les bars où les résultats restent mitigés. Ceci est dû au fait que ces lieux sont souvent des bars ouverts ou semi-ouverts ; ce qui rend difficile le contrôle des clients fumeurs ainsi que l’application de cette mesure.