L’art de claquer une porte close

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Ils avaient pourtant juré qu’on ne les y prendrait plus jamais. Et qu’on ne les surprendrait non plus à faire de nouveau la politique de la chaise vide. A raison. Parce qu’à force de faire la course pour le fauteuil du lauréat de celui qui camperait le plus la posture de l’opposition radicale, les dirigeants de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) avaient paradoxalement fini par perdre leur leadership sur les adversaires du régime en place.

Mais les vieilles habitudes étant une seconde nature, et après avoir proclamé urbi et orbi qu’ils y sont qu’ils y resteraient, les premiers responsables du parti orange ont annoncé qu’ils claquaient la porte de la Concertation nationale des acteurs politiques (CNAP). La CNAP est un cadre qui réunit une bonne partie de la classe politique, avec pour objectif d’aboutir à des décisions consensuelles concernant les futures élections régionales et les modalités du scrutin ainsi que de lever les appréhensions des uns ou des autres concernant le fonctionnement de la vie politique.

Cette décision est officiellement motivée selon l’ANC par le « refus obstiné » des autorités de prendre en compte leurs propositions.

De ce point de vue, le retrait de la formation présidée  par Jean-Pierre Fabre semble  justifié. Sauf que la lettre l’annonçant a été adressée au ministre de l’Administration territoriale Payadowa Boukpessi le 12 juillet ; soit la veille de  la clôture des travaux, ouverts le 19 janvier et achevés le 13 juillet. Ce qui en dit long sur le manque de sérieux de la démarche et confirme qu’elle relève fondamentalement d’une pure tactique politicienne.

En effet, critiquée par les jusqu’au-boutistes, les nihilistes, ainsi que « les déclinologues », débordée de toutes parts par les tenants du front du refus à toute idée de discussion engageant le pouvoir, y compris dans son propre camp, l’ANC a voulu faire un coup d’éclat, pour se faire mousser aux frais  de la CNAP. Sauf que la ficelle était trop grosse et qu’il est très difficile de se faire applaudir pour avoir claqué une porte pourtant bien  close.

Au 12 juillet le parti dirigé par l’ex-lieutenant de Gilchrist Olympio avait participé comme 16 autres, à la quinzaine de réunions du comité d’appui et aux 11 séances plénières étalées sur les 6 mois qu’ont duré les travaux. Pour un total de 52 propositions enregistrées, dont 29 sur le cadre électoral, 4 sur la constitution, 2 sur  la loi fixant les conditions d’exercice de liberté de réunions et de manifestations pacifiques publiques,  7 sur la charte des partis politiques,  3 sur la loi portant décentralisation et libertés locales,  1 sur le statut de l’opposition, 3 sur  les mesures d’apaisement  et 3 sur  le cadre permanent de concertation. Autant dire que le  nom de l’ANC est bel et bien associé aux résultats de la CNAP. Sa tentative maladroite de s’en désolidariser ne pouvait donc que faire pschitt.