L’Eco ou la mort programmée du CFA en Afrique de l’Ouest

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Enfin ! Devraient s’exclamer surtout les panafricanistes, qui vouent une haine viscérale au Franc CFA pour les relents néocolonialistes qu’ils lui prêtent. Lors de la récente conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) à Abuja, le projet de création d’une monnaie unique pour la sous-région a enregistré une avancée majeure avec l’adoption du nom de cette monnaie : l’Eco. Si ce nouveau palier franchi laisse présager que selon le chronogramme, 2020 devrait marquer dans l’espace ouest africain la fin des monnaies nationales dont le Cedis ghanéen et le Naira du géant nigérian, dans les 8 pays francophones de cet espace, cette étape revêt une portée historique particulière.

Au-delà des débats entre Pro et Anti CFA dont le mouvement a pris de l’ampleur ces dernières années, une voie sûre est en train de se frayer pour sortir de la puissance tutélaire monétaire de la France et de ce que le Prof Kako Nubukpo appelle « servitude volontaire ».

La sortie du FCFA, c’est la porte Eco

Si les Africains anti CFA ne sont pas triomphalistes, la nouvelle de l’adoption du nom de la future monnaie unique de la Cedeao les réjouit tout de même. Et pour cause, c’est un pas important vers la concrétisation d’un projet qui date des années 1980 et en même temps, un motif d’espoir quant à la perspective de l’abandon du FCFA par les pays ouest africains. De fait, l’adhésion au projet de monnaie unique de la Cedeao implique le consentement à se libérer du FCFA qui divise, même parmi les Chefs d’Etat. Divisés sur le FCFA, unis sur l’Eco Si le vent de division sur la question du CFA n’a pas épargné même les Chefs d’Etat africains, sur la question d’adoption de l’Eco comme la monnaie unique de la Cedeao, l’unanimité semble se dégager auprès de l’ensemble des présidents ouest africains. Même les plus fervents défenseurs du CFA parmi les présidents africains, notamment l’ivoirien Alassane Dramane Ouattarra et le Sénégalais Macky Sall n’affichent pas d’opposition frontale au projet.

Le projet semble ne pas susciter de voix dissonantes, ce qui est quelque peu surprenant. Car sans l’abandon du FCFA, le projet de monnaie unique de la Cedeao est mort-né, puisque les deux systèmes monétaires CFA et l’Eco ne sauraient cohabiter. L’Eco, la bouée de sauvetage des « Pro-CFA » ? L’évolution que suit le dossier de la monnaie unique de l’Afrique de l’Ouest semble accréditer l’affirmative et pourrait, dans une certaine mesure, laisser penser à une bonne dose d’hypocrisie de ces chefs d’Etat qui, tout en s’escrimant pour le maintien du CFA, militent en même temps pour la monnaie unique communautaire. Surtout que dans le même temps, les Français semblent plaider pour l’expansion de l’espace assujetti au CFA et militer pour que cette monnaie devienne la monnaie unique de la Cedeao.

En tous les cas, il est notoire que le projet de monnaie unique de la Cedeao offre aux « Pro-CFA », l’opportunité de renoncer au CFA sans heurter frontalement le Trésor français ni redouter des représailles. Néanmoins, le chemin pour arriver à l’Eco, quoique tout tracé, l’échéance 2020 étant maintenue par les Chefs d’Etat ouest africains, ne demeure pas moins parsemé d’embûches. 2020 oui, mais … Selon le communiqué final de la rencontre d’Abuja, les Chefs d’Etat ouest africains s’en tiennent à l’approche graduée de la monnaie unique par les Etats, avec la primeur pour ceux des Etats qui respectent les critères de convergence, notamment l’inflation inférieure à 10% et le déficit budgétaire inférieur à 3%. D’ici-là, devrait se créer la banque centrale dont le siège n’est pas encore connu même si de l’avis de certains experts, le Nigeria pourrait en être un très sérieux prétendant. Les Etats devraient y disposer des réserves de change pouvant couvrir au moins 3 mois d’importation.

Jusqu’au 29 octobre 2019, les pays devraient transmettre à la Commission de la Cedeao leurs programmes pluriannuels de convergence pour la période 2020-2024. Les 15 pays de la Cedeao pourront-ils relever le défi de convergence ?

A l’analyse de ces conditionnalités, certaines opinions prédisent un échec au projet et estiment que cela s’apparente à un saut dans le vide, qui leur fait redouter une perspective prématurée et aux conséquences incertaines. Mais Jean-Claude Brou, président de la Commission de la Cedeao se veut rassurant « La feuille de route sera suivie. La convergence dépend des efforts que fera chaque pays pour respecter les critères », a-t-il déclaré. Dans l’hypothèse positive d’un optimisme contagieux du N°1 de la Commission de la Cedeao et si chaque Etat joue sa partition, il ne restera plus qu’à dire : « bye bye » au FCFA et à tout son attirail.