Personnes vivant avec un handicap, les oubliées de la crise sanitaire

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Dans la lutte contre la COVID-19, la solidarité envers les couches vulnérables afin de limiter les impacts des différentes mesures sur leur vie et leurs revenus, est une priorité aussi bien pour le gouvernement que pour l’ensemble de la société. Sur la liste, figurent en bonne place les femmes et les enfants. Et pas les personnes vivant avec un handicap qui sont généralement dépendantes. Depuis l’enregistrement du premier cas de contamination, leur quotidien est davantage périlleux et rime avec difficultés pour se protéger et subvenir à leurs besoins vitaux.

Les personnes handicapées sont estimées à 620.000 au Togo, selon Handicap International (HI). Elles sont stigmatisées et discriminées dans la société, et ont besoin du soutien de leurs familles et proches dans leur vie quotidienne. La pandémie de la COVID-19 est venue en rajouter à leurs difficultés avec l’adoption des mesures barrières, qui constituent souvent pour elles un casse-tête.

De fait, les dispositifs de lavage de mains avec leur mécanisme d’utilisation leur sont souvent inaccessibles. « Je suis handicapé moteur. Il m’est impossible d’appuyer avec mon pied sur la partie indiquée pour faire couler l’eau et me laver les mains. Or, partout où je vais, le dispositif de lavage de mains nécessite l’utilisation des pieds », témoigne Kodjo Akakpo, agent de la fonction publique. «Personne n’a pensé aux personnes handicapées en fabriquant des dispositifs de lavage de mains adaptés à notre situation », dénonce Gratien Akakpo-Numado, président du Cercle d’action pour le développement des personnes handicapées (CADEPH).

En dehors de l’accès difficile aux dispositifs de lavage de mains, les handicapés moteurs s’exposent également au risque de contamination du virus par le contact avec d’autres personnes. «Ils se font généralement aider par des personnes qui leur poussent le fauteuil roulant. Le risque c’est quand ces dernières touchent le fauteuil sans forcément se désinfecter les mains et après, lest également infecté », s’alarme Gratien Akpakpo-Numado.
Les handicapés visuels sont également exposés au risque de contamination dû au contact. «Les non-voyants, à défaut de la canne blanche, sont obligés de toucher avec leurs mains la surface des objets pour se repérer. Alors que ces objets touchés par d’autres personnes peuvent être contaminés», déplore-t-il.

Le port de masques de protection soigneusement enseigné par les autorités sanitaires fait partie des difficultés quotidiennes auxquelles font face les personnes vivant avec un handicap. «N’ayant pas un bras, souvent je me fais aider pour porter le masque. Si jamais ça s’enlève je reste sans protection jusqu’à ce qu’un de mes parents ne vienne me porter assistance » explique Dodji, un manchot. Or se faire aider pour le port de masque comporte des risques de contamination. «L’usage du masque est individuel selon les autorités sanitaires. Alors si une autre personne devrait le toucher, le risque est évident », alerte le président du CADEPH.
L’utilisation des masques artisanaux expose également les personnes vivant avec un handicap à la maladie, s’agissant de son entretien. «Il y a des mécanismes de lavage des bavettes artisanales. Or les handicapés moteurs et visuels ne peuvent se prêter à cet exercice. Par conséquent, ils portent le même masque pendant des jours et s’exposent ainsi davantage à la Covid-19 et autres microbes », avertit le responsable de CADEPH.

Le risque de contamination à la Covid-19 des handicapés mentaux est encore plus élevé. Ceux-ci dépourvus de facultés intellectuelles, agissent sans tenir compte des réalités auxquelles ils font face. «Un handicapé mental doit vraiment retenir l’attention de sa famille durant cette crise. Parce que lui ne sait pas ce qui se passe. Il méconnait l’importance du port de masque de protection et de lavage régulier des mains. Si le regard de sa famille n’est pas sur lui, il va très facilement être contaminé par la maladie », relève ce défenseur de droit des personnes handicapées.

Exclues des gestes de générosité

La peine des personnes vivant avec un handicap ne se limite pas uniquement à l’observation des mesures barrières. Subvenir à leurs besoins vitaux constitue pour elles un autre casse-tête durant cette crise sanitaire . Dépendant financièrement de leurs proches, elles sont exclues du programme de solidarité de soutien aux personnes vulnérables (Novissi) lancé par le gouvernement. «Pour bénéficier de ce programme, il faut disposer de sa carte d’électeur, or les personnes handicapées compte tenu de leurs handicaps n’ont pas ce document et donc ne bénéficient pas de ce soutien de l’Etat », se plaint Gratien Akakpo-Numado.
Malgré leur dépendance , elles ne bénéficient pas non plus des gestes de solidarité et de générosité des entreprises de la place. Et pourtant ils constitueraient pour eux et pour leur famille, un vrai soulagement. « Un ou deux bols de maïs réduirait la charge des familles composées de personnes handicapées », plaide Gratien Akakpo-Numado.
Selon un récent décompte des personnes vivant avec handicap effectué dans la préfecture d’Agoè-Nyivé, près de 1.000 sur 1.200 sont des enfants et des sans-emplois. « Ces données démontrent que les personnes en situation de handicap n’ont pas de revenus et ne dépendent que d’autres personnes valides », conclut Gratien Akakpo-Numado.

Face à cette situation économique pénible que vivent les personnes handicapées, la solution ne peut venir que des entreprises de la place et des personnes de bonnes volontés. « Nous apprenons par le biais des médias la solidarité dont font preuve les sociétés étatiques et privées envers les couches vulnérables. Nous sommes aussi vulnérables voire plus que les femmes et enfants qui sont les uniques bénéficiaires de ces gestes. Il faut qu’elles tournent aussi leurs regards vers nous » lance le président du CADEPH qui soutient qu’un programme spécial « Novissi » en faveur des handicapé « serait très salutaire ».

Le handicap ne doit pas être un handicap

Selon les organisations qui défendent les personnes vivant avec un handicap, leurs difficultés et leur dépendance, accrues depuis la crise de la COVID-19, relèvent de la responsabilité des pouvoirs publics. Elles estiment qu’il faut repenser la santé maternelle et infantile. « La sensibilisation des femmes et la formation des agents hospitaliers sur la santé maternelle et infantile vont réduire considérablement la naissance d’enfants avec un handicap », est convaincu Gratien Akakpo-Numado. Il prône par ailleurs la promotion de la scolarisation et de l’insertion professionnelle des personnes vivant avec un handicap