Sacré Fatou Bensouda

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Fatou Bensouda
Fatou Bensouda

L’information est tombée lundi dernier en milieu d’après-midi. Fatou Bensouda, la procureure de la Cour pénale internationale, a décidé de faire appel  de l’acquittement prononcé le 15 janvier en faveur de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé. Elle estime que  les juges auraient dû demander un non-lieu et non un acquittement.

Ce n’est pas un caprice sémantique mais une vraie lecture technique. Car si le non-lieu laisse ouverte la question de la responsabilité dans les crimes qui leur étaient reprochés, à savoir des crimes contre l’humanité dans la crise qui avait suivi l’élection présidentielle de 2010, l’acquittement innocente les deux leaders. C’est justement ce que la Gambienne n’a visiblement pas envie d’acquiescer. Or, pour tous ceux qui ont suivi cet interminable procès et pour peu qu’ils soient de bonne foi, la Gambienne et son bureau n’ont jamais pu démontrer la responsabilité des deux hommes. Pourtant, elle a eu des moyens colossaux  et du temps, plus que de raison, pour préparer son dossier.  Elle a plusieurs fois bénéficié de curieuses clémences de la Cour, qui lui a accordé des délais supplémentaires pour mieux se pourvoir, au mépris des pratiques judiciaires, alors que le constat d’un dossier vide aurait dû conduire dès cet instant et depuis longtemps, à un non-lieu.

«… elle est en train d’ajouter à de l’injustice, qui consiste à priver de liberté des personnalités pourtant acquittées pour absence de preuves, de l’acharnement judiciaire… »

Le procès fut un long chemin de croix, pas simplement pour les accusés, mais tout autant pour les juges que pour les spectateurs intéressés, face à  l’amateurisme du bureau de Mme Bensouda, son impréparation, la vacuité de ses arguments et surtout, l’absence abyssale de preuves. Tout ce monde fut donc soulagé qu’on mette fin à cette parodie de procès ; les juges ayant prononcé l’acquittement en premier. Non pas qu’ils soient inscrits dans une démarche révisionniste, qui nierait les évènements tragiques post-électoraux, ou refuseraient le droit des victimes à être reconnus comme tels pour situer les responsabilités. Mais simplement parce que c’est un principe séculaire qu’il appartient à l’accusateur d’établir, par des preuves, la culpabilité de l’accusé. Et qu’à défaut, celui-ci devrait être acquitté.

L’ancienne ministre de la Justice de Yaya Jammeh se prépare donc pour un nouveau tour de piste. Ce qui n’a eu l’air de surprendre, ni d’émouvoir les conseils de Laurent Gbagbo et certains de ses proches. Sauf qu’elle est en train d’ajouter à de l’injustice, qui consiste à priver de liberté des personnalités pourtant acquittées pour absence de preuves et donc innocentes et non présumées innocentes), de l’acharnement judiciaire, caractérisé par la relance du  « mammouth procédural de la CPI ».  Cette action frise l’obsession envers un vieil  homme de 75 ans, emprisonné depuis 9 ans, dont 7 sans procès,  et pourtant acquitté. Cette Procureure convaincra peu de monde que sa décision est motivée par la défense des intérêts des victimes. Il n’y a pas meilleur moyen de desservir la CPI et ses grandes ambitions, et d’allonger la liste de ses détracteurs.

Jean-Paul AGBOH