Un président ne devrait pas dire ça

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L’onde de choc provoquée par l’interview accordée par Patrice Talon à nos confrères de RFI et de France 24 au lendemain de sa réélection à la tête du Bénin, ne s’est pas encore totalement dissipée. De fait, ses propos continuent d’alimenter la polémique dans les médias et sur les réseaux sociaux ; les partisans du successeur de Yayi Boni saluant le parler franc de leur champion, tandis que ses contempteurs dénoncent l’absence de courtoisie diplomatique, voire une «faute de goût ».

Cependant, si la tendance majoritaire s’accorde sur le fait qu’ « un président ne devrait pas dire ça », pour reprendre le titre du livre des journalistes d’investigation français Gérard Davet et Fabrice Lhomme, publié en octobre 2016 et consacré aux cinq années d’entretiens privés des deux hommes avec le président de la République française François Hollande, les observateurs les plus avisés l’auront tout de même compris : la sortie du président béninois est avant tout destinée à son opinion.

En effet, malgré un dynamisme socio-économique incontestable sauf à être de mauvaise foi, et des investissements importants qui changent chaque jour le visage de son pays, l’ancien homme d’affaires doit faire face à une fronde politique majeure inédite qui s’est installée malgré l’affaiblissement d’une opposition institutionnelle réduite à sa plus simple expression ; la plupart de ses leaders tutélaires étant soit en exil, soit en prison.

La séquence électorale qui vient de se dérouler a exacerbé les tensions, exposant ainsi le régime de Patrice Talon aux critiques au-delà de ses frontières, que n’arrive pas à taire le bilan d’un premier mandat plutôt réussi. Dans ce contexte, le premier réflexe des dirigeants est souvent de désigner à leur opinion un ennemi commun venu de l’étranger, dans la quête d’une unité nationale en convoquant la fibre patriotique, sur un air connu : celui de la nation en danger.

Tant est si bien que les plus avertis savent que Faure Gnassingbé et Patrice Talon sont en contacts permanents qu’ils n’ont jamais rompus ; le premier faisant d’ailleurs partie des Chefs d’Etat ayant diligemment félicité le second au lendemain de sa réélection. Il ne peut d’ailleurs en être autrement, au regard de l’histoire et des liens séculaires qui unissent les deux peuples, dont les destins sont liés, y compris au sein des communautés économiques et politiques auxquels ils appartiennent.

Des situations conjoncturelles ne peuvent donc pas compromettre durablement les objectifs communs, qui sont de travailler ensemble pour maintenir et consolider la paix à l’intérieur de nos Etats, mais également sur le plan sous régional face aux questions sécuritaires et aux menaces terroristes, et de relever les défis économiques et sociaux. Voilà pourquoi de deux côtés de Hillacondji, la ligne rouge de l’escalade n’a jamais été franchie.