Venezuela : Emmanuel Macron reconnaît Guaido comme président par intérim

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Dans la foulée du refus de Nicolas Maduro d’organiser une élection présidentielle anticipée, plusieurs États européens, dont la France, ont reconnu son opposant, Juan Guaido, qui aurait pour charge de mettre en œuvre un «processus électoral».

Le couperet, attendu, est tombé. Après que le chef de l’État vénézuélien, Nicolas Maduro, a rejeté dimanche soir l’ultimatum de sept pays européens pour l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle, plusieurs d’entre eux ont décidé de reconnaître le président du parlement tenu par l’opposition, Juan Guaido, comme président par intérim du pays dès lundi. C’est le cas de la France, du Royaume-Uni, de l’Espagne, de l’Allemagne, de l’Autriche mais aussi du Danemark et de la Suède.
«Les Vénézuéliens ont le droit de s’exprimer librement et démocratiquement. La France reconnaît @jguaido comme ‘président en charge’ pour mettre en œuvre un processus électoral. Nous soutenons le Groupe de contact, créé avec l’UE, dans cette période de transition», a tweeté le président Emmanuel Macron, en français et en espagnol.

Dans un entretien avec la chaîne de télévision espagnole La Sexta, Nicolas Maduro a déclaré qu’il ne ferait pas preuve de «lâcheté face aux pressions» de ceux qui réclament son départ. L’Espagne, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, le Portugal, rejoints dimanche par l’Autriche, exigeaient de Nicolas Maduro qu’il annonce la convocation d’une présidentielle anticipée, faute de quoi ils reconnaîtraient à partir de lundi Juan Guaido, 35 ans, comme président. «Pourquoi faut-il que l’Union européenne dise à un pays du monde qui a déjà organisé des élections qu’il doit refaire son élection présidentielle, parce que ce ne sont pas ses alliés de droite qui l’ont gagnée?», s’est interrogé Nicolas Maduro, qui s’exprimait depuis Caracas. Nicolas Maduro a remporté avec 68% des voix l’élection présidentielle de décembre dernier, mais celle-ci a été jugée irrégulière par une partie de l’opposition qui a refusé d’y participer.

Quelques heures après l’expiration de cet ultimatum, Ottawa doit accueillir lundi matin une réunion de crise des ministres des affaires étrangères du Groupe de Lima, qui regroupe le Canada et une dizaine de pays latino-américains. Des «participants de l’ensemble de la communauté internationale» devraient également se joindre aux discussions, selon le ministère canadien des Affaires étrangères. Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo y participera par vidéoconférence, a indiqué le département d’État. Et l’Union européenne pourrait aussi y prendre part.

«Trois piliers de la crise»

Cette réunion, censée débuter à partir de 9h00 locales (14h00 GMT), vise à discuter des «trois piliers de la crise vénézuélienne», selon l’expression de la diplomatie canadienne: humanitaire, économique et politique. Dimanche, le premier ministre Justin Trudeau, qui s’est impliqué personnellement dans cette crise, a d’ailleurs téléphoné à Juan Guaido. Les deux hommes ont appelé à l’organisation d’une présidentielle «libre et juste» et réaffirmé «l’illégitimité» de Nicolas Maduro.

Si Nicolas Maduro n’organisait pas de présidentielle, avait prévenu dimanche la ministre française des Affaires européennes Nathalie Loiseau, «nous considérerons que Juan Guaido est légitime pour les organiser à sa place et nous le considérerons comme le président par intérim jusqu’à des élections légitimes». «Ce que répond jusqu’à présent M. Maduro, c’est ‘je vais organiser des élections législatives’, sous-entendu ‘je veux me débarrasser du président du Parlement (où l’opposition est actuellement majoritaire, ndlr), M. Guaido’, qui est justement soutenu par les manifestants. Là encore, cette réponse est une farce, une farce tragique», ajoutait-elle.

Jeudi, le Parlement européen a reconnu l’autorité de Juan Guaido et a appelé l’ensemble des pays de l’Union européenne à faire de même. Les États-Unis, le Canada et de nombreux pays d’Amérique latine, dont la Colombie et le Brésil, ont déjà reconnu Juan Guaido, mais l’immense majorité des 193 États membres de l’ONU reconnaissent quant à eux Nicolas Maduro.

«Ingérence destructrice»

Donald Trump a de son côté réaffirmé que le recours à l’armée américaine au Venezuela était «une option», dans un entretien avec la chaîne de télévision américaine CBS diffusé dimanche. Soutenu notamment par la Russie, la Chine, la Corée du Nord, la Turquie ou encore Cuba, Nicolas Maduro, 56 ans, accuse les États-Unis d’orchestrer un coup d’État. «La solution à ces problèmes (au Venezuela), avant tout socio-économiques, doit être trouvée et mise en œuvre par les Vénézuéliens eux-mêmes. La tâche de la communauté internationale est de les aider dans ce domaine, sans ingérence extérieure destructrice», a à cet égard déclaré le responsable du département chargé de l’Amérique latine au ministère russe des Affaires étrangères, Alexandre Chtchetinine, cité par l’agence de presse Interfax.

Lors de sa première réapparition en public en six mois, Nicolas Maduro avait rassemblé samedi des milliers de ses partisans à Caracas. Il avait relancé l’idée de législatives anticipées dans le courant de l’année, pour remplacer un Parlement dépouillé de l’essentiel de ses prérogatives au profit d’une Assemblée constituante qui lui est acquise.

Devant la représentation de l’Union européenne à Caracas, Juan Guaido a prédit samedi un mois de février «déterminant» et a appelé ses partisans à une nouvelle manifestation le 12 février. Il a également annoncé l’arrivée dans les prochains jours d’une aide humanitaire. Selon lui, des centres de collecte doivent être installés de l’autre côté de la frontière, en Colombie et au Brésil, et sur une «île des Caraïbes». Les États-Unis ont de leur côté fait savoir, via un message sur Twitter du conseiller à la Sécurité nationale John Bolton, qu’à la demande du chef de l’opposition, ils préparaient déjà et «transportaient de l’aide humanitaire» destinée au Venezuela. Les habitants du Venezuela, pays pétrolier autrefois le plus riche d’Amérique latine, sont désormais confrontés à de graves pénuries, ainsi qu’à une inflation galopante. Depuis 2015, quelque 2,3 millions d’entre eux ont choisi de s’exiler, sur une population totale de 31 millions d’habitants.

Le Figaro