Centre d’enfouissement technique d’Aképé :quel bilan deux ans après?

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Un camion déversant des déchets au CET

La gestion des déchets constitue un défi majeur pour les municipalités. Et la ville de Lomé ne fait pas exception. Pour y faire face, la mairie de Lomé, épaulée par l’Agence France développement (AFD) et la Banque ouest africaine de développement (BOAD) a érigé un centre d’enfouissement technique (CET) à Aképé(à environ 25km au Nord-Ouest de Lomé). Depuis janvier 2018, ce centre répondant aux normes internationales, accueille en moyenne, plus de 20 mille tonnes de déchets ménagers et assimilés par mois. Que retenir des deux ans et demi d’exploitation du centre, quels impacts de l’exploitation du Centre sur les populations riveraines, quels risques environnementaux faut-il craindre, quels sont les nouveaux défis de la gestion de déchets ? Dossier Focus Infos.

Les raisons de la construction d’un CET

Le projet répondait à la vision de la municipalité de Lomé de mettre en place une structure organisationnelle en matière de gestion des déchets solides urbains, afin d’améliorer les conditions de vie des populations et lutter contre la dégradation de l’environnement.

Le projet ainsi conçu selon les normes internationales en matière de protection de l’environnement et de santé publique visait aussi à réorganiser la filière de gestion de déchets dans la ville de Lomé en éliminant la création des dépotoirs sauvages, et à diminuer les volumes de déchets.

Il s’agissait pour les autorités municipales de trouver une solution urgente à la gestion des déchets face à la croissance de la population et du périmètre urbain de Lomé, mais aussi à la saturation de la décharge d’Agoenyivé.

« Le projet de construction du centre d’enfouissement d’Aképé était une réponse qu’on voulait donner à la saturation de l’ancienne décharge d’Agoenyivé qui se retrouvait à un moment donné en pleine agglomération. Il fallait donc la délocaliser. Pour ce faire, il se posait une équation complexe, celle de trouver un nouveau site qui préserve toutes les composantes de l’environnement », explique Kodjo Enoumodji, chef division propriété au district du grand Lomé.

Spécifiquement, la construction du centre visait selon la directrice adjointe de l’AFD au Togo, Madame Maréva Matar, à améliorer durablement le stockage des déchets solides urbains. Au-delà, il s’agissait pour la mairie de Lomé de mettre en place un dispositif lui permettant d’assurer un service public adapté aux besoins des populations.

Les coûts des travaux du CET estimés à environ 12 milliards FCFA ont été cofinancés par l’AFD, l’Union Européenne et la BOAD. Les travaux ont été réalisés par le groupement international Eiffage GC, Coved WA et GER.

Plus de 600 mille tonnes de déchets déjà enfouis

Le centre d’enfouissement technique d’Aképé est conçu pour être exploité durant un minimum de 20 années. Le centre devrait accueillir annuellement selon les estimations 250 à 300 mille tonnes de déchets.

Les déchets enfouis sont principalement des déchets ménagers et assimilés. De fait, soutient le chef projet du CET, M. Kodjo Enoumodji, le centre n’est conçu que pour le traitement de ces caractéristiques de déchets et non des déchets dangereux.
«Le CET est un centre de stockage des déchets ménagers et assimilés et non une déchetterie. Il n’a donc pas vocation, dans sa finalité et dans sa conception, à accueillir tous les types de véhicules ni tous les types de déchets. En particulier, les aménagements du site ne sont pas destinés à accueillir directement des déchets des particuliers» lit-on dans la politique d’accueil des déchets au Centre d’Aképé.

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Au cours de la première année d’exploitation, environ 208 775 tonnes ont été enfouis au CET, 272 304 tonnes en 2019, puis 165 137 tonnes sur les 7 premiers mois de l’année 2020. Ainsi, il est stocké en moyenne depuis 2018, environ 20845 tonnes de déchets par mois, soit un total de 646 216 sur les trois années d’exploitations.

Hormis les frais des transports des déchets payés par la mairie de Lomé à des prestataires privés et d’autres coûts, l’enfouissement de ces déchets a coûté plus de 3,5 milliards F CFA en raison de 5431 F CFA payé à l’entreprise exploitante du site par tonne enfouie.

Du déchet ou du sable enfoui ?

L’importance des tonnes de déchets enfouies en seulement deux années et demi d’exploitation suscite des questionnements sur leur qualité et leur caractéristique. Pour plus d’un, la mairie de Lomé payerait des prestataires pour collecter et enfouir du sable plutôt que des déchets.
« Le manque de tri des déchets à la base ou dans les ménages reste un problème important que l’on devrait penser à résoudre dans le contexte actuel. Nous avons dans la réalité plus de 50% à 60% du poids de la poubelle de nos ménages qui représente du sable. Si l’on part de ces résultats des études, l’on ne peut qu’espérer qu’à la décharge finale, nous n’ayons pas plus de sable que de déchets à enfouir », indique Edem d’Aldmeida d’AGR (Africa Global Recycling), une structure spécialisée dans le recyclage des déchets.

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« Il y a un problème culturel auquel nous faisons face aujourd’hui quand l’on observe le balayage et la gestion de nos déchets dans nos maisons. L’autre aspect du problème reste aussi les dépotoirs sauvages créés par les populations et que la mairie était contrainte de dégager pour convoyer sur le site. C’est donc un ensemble de comportements de tous les citoyens qui concourent à ce problème », explique pour sa part M. Enoumodji.

Cette augmentation du poids des déchets à enfouir par la présence du sable n’arrange pas forcément l’exploitant du site. « Lorsque les déchets sont mélangés avec suffisamment de sable, cela ne nous arrange non plus. Plutôt, cette situation nous complique le travail de compactage et constitue un risque d’immobilisation et de pannes pour nos engins », confie le Directeur d’Exploitation du CET, M. Bruce Amanah.